Une certaine polémique circule en ce moment à propos de l'éducation positive . Accompagner ou laisser faire, comprendre ou combler, limiter ou contraindre ...je partage avec vous cette réflexion menée par trois spécialistes qui nous aident à déjouer les pièges , pour ne garder que le meilleur .
Actuellement , les parents se trouvent ballottés entre les commentaires réactionnaires de ceux qui regrettent le temps d'avant et les regards affligés de ceux qui ne jurent que par l'éducation positive ! Dans les médias aussi, des sons divergents se font entendre ! Surinformés, voilà les parents déboussolés ...écoutons trois spécialistes de l'enfance : la psychologue Caroline Goldman, le docteur en psychologie du développement Didier Pleux et le psychopédagogue belge Bruno Humbeeck ...loin d'être négatifs , tous tiennent à apporter de la nuance à cette éducation positive ...pour qu'elle le reste !
aut -il suivre un mode d'emploi ?
* A prendre : les recommandations .
« J'approuve pleinement les principes de la parentalité positive ** telle qu'elle a été décrite par le Conseil de l'Europe » annone d'emblée Caroline Goldman . Ils s'appuient sur une série de recherches incontestables » Des recherches qui ont « permis d'interroger les travers de l'éducation brutale d'antan et qui ont donné aux parents des clés pour mieux accompagner le développement de l'enfant » enchérit Bruno Humbeeck .Toutefois, ce courant s'est simplifié , voire radicalisé » .Certains tenants de la positivité ont un peu fait leur marché dans ces études pour ne retenir que ce qui soutient leur thèse . Résultat : des « contre- vérités scientifiques , donc des ravages » déplore Caroline Goldman.
* A laisser : les injonctions . « Un modèle pédagogique ne doit pas devenir une prescription , estime Bruno Humbeeck. Vouloir incarner une parentalité présentée comme la panacée conduit à des pratiques qui s'éloignent du simple bon sens » . Et ne favorisent pas la construction psychoaffective de l'enfant .
**PARENTALITÉ POSITIVE : LES RECOMMANDATIONS .
Selon le conseil de l'Europe . les parents devraient apporter à leurs enfants :
° une éducation affective -en répondant à leur besoin d'amour, d'affection et de sécurité .
° des structures et des orientations -en leur donnant un sentiment de sécurité, en instaurant des règles de vie et en fixant les limites voulues .
°une reconnaissance - en les écoutant et en les appréciant en tant qu'individus à part entière.
° une autonomisation - permettant de renforcer chez eux le sentiment de compétence et de contrôle personnel .
° une éducation non violente - excluant tout châtiment corporel ou psychologiquement humiliant . Les châtiments corporels constituent une violation du droit de l'enfant au regard de son intégrité physique et de sa dignité humaine.
oit -on punir un enfant ?
* A prendre : la non-violence.
Tout le monde est d'accord , et là dessus , le Conseil de l'Europe est très clair : « les enfants réussissent mieux quand leurs parents réagissent à leur mauvaise conduite en leur expliquant pourquoi ils n'ont pas bien agi et en recourant, si nécessaire , à des punitions non violentes. » Sont conseillées : « la mise à l'écart temporaire », la réparation des « dommages causés » , ou la diminution de l'argent de poche « plutôt que les punir «sévèrement ».
* A laisser : la non -réaction.
Pour Didier Pleux, « considérer qu'aucune conduite n'est "mauvaise " en soi , donc s'épargner toute punition, c'est tenter d'échapper au désagréable mais inévitable conflit ». C'est aussi semer le doute . « En prenant l'enfant dans ses bras quand il mord, on lui envoie deux messages paradoxaux puisqu'il se trouve récompensé d'un comportement antisocial » relève Caroline Goldman .
ue faire de ses émotions ?
* A prendre: la reconnaissance. Comme tout être humain, l'enfant est traversé par la peur, la colère et la tristesse, mais aussi la joie - et parfois les débordements qui vont avec . Les adultes doivent les accueillir et les accompagner . « L'enfant a besoin d'étayage , d'être entendu dans sa détresse pour qu'il puisse la surmonter » , confirme Didier Pleux.
* A laisser : la capitulation . « Il y a une différence entre l'empathie cognitive et l'empathie affective » poursuit Didier Pleux . Comprendre sa frustration, ce n'est pas chercher à la combler. « Sans doute faut-il réapprendre l'attente sereine plutôt que céder à la jouissance immédiate , suggère Bruno Humbeeck. Laisser s'installer le désir , oser un " Pas maintenant " dont le parent n'a pas à se sentir coupable. » La déresponsabilisation n'est pas plus constructive . « Ce n'est pas en le dédouanant de ses réactions, en accusant sa sœur , son copain ou le professeur de ses tourments qu'on l'aide à apprivoiser ce qui le traverse » rappelle le psychopédagogue.
usqu'où le laisser libre ?
* A prendre : l'autonomie . L'enfant n'est pas un petit soldat chargé d'obéir à ses parents pour les rassurer ou leur faire plaisir. Pour qu'il apprenne par lui-même et renforce sa confiance en lui, il est important de le laisser faire ses propres expériences. De reconnaître la place de chacun dans la famille, ses droits et ses devoirs , les uns n'excluant pas les autres.
* A laisser : le no limit ! « Priver l'enfant d'un cadre serait le laisser dans une forme de toute-puissance qui n'est qu'une illusion , prévient Didier Pleux. Il ne s'agit pas de le soumettre ou de le castrer, mis de lui apprendre , pour son propre bien , à composer avec la réalité .» Les contraintes étant inhérentes à la vie, elles ne peuvent être bannies de l'enfance, si fondatrice. « De nombreux enfants reçus en pédopsychiatrie ne présentent que des problématiques de limites éducatives , reprend Caroline Goldman. Une telle carence peut conduire à une insatisfaction chronique, une incapacité à vivre ensemble, et parfois à des troubles dépressifs. »
quel point s' investir dans l'éducation ?
* A prendre : la responsabilité. L'éducation d'un enfant suppose un investissement sincère, une réelle présence, à la fois physique et psychique. « Les parents d'aujourd'hui éprouvent sans doute plus de responsabilité qu'autrefois, remarque Bruno Humbeeck. Ils ont choisi d'avoir un enfant, de le mettre au monde, dans un monde complexe et difficile qui plus est. Mais l'enfant doit comprendre que, s'il compte, lui seul ne compte pas .»
* A laisser : l'excès. Le parent « hélicoptère » doit souffler. « La survalorisation, la surprotection, la sur-stimulation sont des pièges qui non seulement n'apprennent pas à l'enfant à compter sur lui-même, mais en plus épuisent littéralement ses parents », estime Didier Pleux.
omment éviter les traumatismes ?
* A prendre: la vigilance. On connaît aujourd'hui les ravages de la violence, qu'elle soit physique, verbale ou psychique. De là à dire que toute frustration génère du trauma, il n'y a qu'un pas...« Transposer ses conséquences à n'importe quelle limite éducative, c'est irresponsable » s'alarme Didier Pleux. Ainsi la polémique actuelle autour du time out / isoler un enfant un bref moment, que certains qualifient d'humiliant.
« C'est un non-sens puisque cela reste le meilleur moyen de lutter contre la violence justement , en évitant une dangereuse escalade » , selon Caroline Goldman.
* A laisser: la peur de blesser. « Il faut cesser de véhiculer l'idée que la parentalité est forcément traumatisante, affirme Didier Pleux. Demander à l'enfant de ranger sa chambre, ce n'est pas de la violence .» Le traumatisme vient de la répétition d'évènements éprouvants dans lesquels il s'est senti agressé et impuissant. On ne doit pas opposer la tendresse à l'éducation, ou la bienveillance à l'autorité.
aut-il toujours tout expliquer ?
* A prendre : la verbalisation. « L'enfant a besoin que son parent lui explique le monde, l'aide à symboliser l'existence, pour s'approprier de façon abstraite et sécurisante les flux émotionnels et pulsionnels qui le traversent » analyse Caroline Goldman. Des explications, des paroles justes et adaptées à son âge sont nécessaires pour qu'il donne du sens aux situations qui lui échappent.
* A laisser : la discussion sans fin. « L'écoute comme la parole sont parfois disproportionnées, observe Bruno Humbeeck. Il n'y a pas lieu de tout décrypter , de se perdre en explications ou en négociations.» D'autant que l'enfant n'est pas forcément dans l'attente d'un débat qui, par ailleurs, « ne le soulage pas toujours , rappelle Caroline Goldman. Il y a un temps pour tout.»
omment le rendre heureux ?
* A prendre : l'enthousiasme. « Bien sûr qu'il faut les féliciter, les encourager, les faire rire, les bercer d'amour et de tendresse ! confirme la psychologue. La psychanalyse n'a pas attendu les recherches en neurosciences pour le dire...» Si l'ocytocine et la dopamine - les hormones de l'attachement et du plaisir - sont préférables au cortisol - celle du stress-, elles ne peuvent être libérées en permanence.
* A laisser: la « happycratie » . « Il est impossible de ne communiquer que du positif, note Bruno Humbeeck. Ce serait invivable pour tout le monde» . Un enfant ne peut pas être heureux tout le temps, le contentement n'étant pas du bonheur. « L'idée qu'il n'y aurait aucun conflit, aucune sauvagerie, c'est céder à la mouvance de la " happycratie ", comme s'il y avait un moyen, en suivant un mode d'emploi parfait, d'éduquer un enfant parfait , en étant soi-même parfait », regrette Didier Pleux .
oit -on revenir en arrière ?
* A prendre : le meilleur . « Il s'agit toujours de nuancer la critique comme l'apologie, conclut Bruno Humbeeck. pour ou contre n'a aucun sens, et le clivage n'aide personne à avancer. » Il faut éviter de sombrer dans la caricature d'un modèle, quel qu'il soit, mais plutôt en tirer le meilleur.
* A laisser: le rejet. « Le risque est évidemment de retomber dans l'excès inverse et d'en revenir à des méthodes éducatives d'un autre temps» prévient Didier Pleux. Il n'est pas rare d'ailleurs que, quand ils s'aperçoivent que la méthode douce ne porte pas ses fruits, les parents, plus agacés encore, retombent dans de vieux réflexes délétères. »
@ article de la revue Psychologies de mai 2023.
° Caroline Goldman, autrice de FILE DANS TA CHAMBRE! OFFREZ DES LIMITES ÉDUCATIVES À VOS ENFANTS . InterEditions, 2020.
° Didier Pleux, auteur de L'ÉDUCATION BIENVEILLANTE, ÇA SUFFIT ! . Ed. Odile Jacob, 2023 .
° Bruno Humbeeck, auteur d'HYPER-PARENTALITÉ, APPRENDRE À LÂCHER PRISE POUR LE BIEN DES PARENTS ET DES ENFANTS . Ed. Mardaga. 2022.
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